Pousse-Poussette le nom d’une crèche, le titre d’un livre

Pousse-Poussette, un multi-accueil associatif,
mais avant tout un livre écrit et illustré
par 
Michel GAY, édité à l’Ecole des Loisirs

Un lien étroit existe entre l’histoire imagée qui se déroule dans le livre et ce que les enfants peuvent vivre au quotidien à la crèche, en terme de séparation, de retrouvailles, d’échanges avec les autres. Dans le livre comme dans la vie quotidienne du jeune enfant, l’imaginaire et le concret sont intimement mêlés, nécessaires pour aider l’enfant à grandir

Le résumé de l’histoire : simplifié à l’extrême, nous retrouvons le déroulement d’une journée ordinaire

 La journée de l’enfant commence avec ses (ou son) parents. Puis viennent la séparation d’avec maman (ou papa), les retrouvailles avec les autres enfants riches d’expériences d’échanges et de jeux. La nourriture, le sommeil, le besoin de sécurité affective et la mise en scène d’objets appartenant à l’univers de l’enfance, s’organisent au milieu de ces échanges. L’enfant retrouve avec beaucoup de plaisir sa Maman ou son Papa qui ne sait pas toujours tout ce que son Enfant a découvert tout au long de sa journée.

Le style de l’histoire et l’illustration : une histoire rythmée, des journées rythmées … pour sécuriser, rassurer et permettre de grandir

Le style d’histoire à répétition attire les jeunes enfants pour ce qu’il a de sécurisant. C’est ici l’illustration qui marque la répétition (la poussette et le bébé se retrouvent au centre de chaque image) et donne à “l’enfant lecteur” le plaisir de   pouvoir deviner la suite de l’histoire. En jalonnant et en rythmant   l’organisation des journées à passer à la crèche, nous tentons de   donner les moyens à l’enfant d’en prévoir implicitement leur   déroulement.Il prend ainsi conscience qu’il n’est pas abandonné et  peut profiter pleinement de la richesse de ces journées.

L’histoire à répétition est un style fréquemment adopté dans les contes. L’action se déroule en forêt. Et, à la fin de l’histoire on découvre que le bébé a rêvé ses expériences !… La forêt, le rêve, les expériences, les apprentissages ne sont-ils pas aussi du domaine du conte. et du domaine de l’enfance ?

Le graphisme est léger, presque translucide. Il laisse libre cours à l’imagination et à l’affabulation de l’Enfant. Celles-ci sont favorables à la construction de l’Etre.

Les personnages et la construction des relations sociales : une photographie des relations sociales qui s’établissent au multi-accueil.

Un seul petit personnage principal centralise à lui seul l’attention et résume les aventures que plusieurs enfants différents pourraient vivre. Il ne porte pas de nom, ce qui permet une identification complète. Il est, avec sa Maman, la seule figure humaine de l’histoire.

Les copains sont sous forme d’animaux. Ils sont à la fois sympathiques et rassurants, aux défauts humains. Ils sont tantôt plus petits, tantôt plus grands que le héros. Nous retrouvons ici les caractéristiques du groupe vertical.

L’apparition des personnages successifs est ordonnancée par leur taille grandissante (le papillon, la grenouille, le canard). D’ailleurs le comportement des animaux semble déterminé par cette notion de taille : le papillon a peur de la grenouille qui a peur du canard, comme les plus petits peuvent avoir peur des plus grands. Toutefois une rupture est provoquée par l’arrivée du petit chat. Par son comportement bruyant le canard a voulu s’imposer. Il y est parvenu avec la grenouille, mais il fuit devant le petit chat. En société, les plus petits peuvent aussi se faire respecter par les plus grands. C’est l’occasion pour le héros de rappeler les règles qui permettent aux relations sociales de fonctionner « Tant pis ! A chacun son tour. » Il accorde d’ailleurs au petit chat qui a « vaincu » le canard, attention toute particulière « Installe -toi bien… ». La sollicitude, l’attention et le partage existent aussi entre jeunes enfants. Après le passage du chat, nous retrouvons de nouveau deux animaux classés par ordre croissant : le renard, et l’ours pataud et maladroit, comme il se doit.

Ainsi que nous le constatons dans le quotidien à la crèche, les attitudes corporelles semblent réguler les relations sociales. Parfois la simple différence de taille suffit. Certains font valoir leur masse corporelle, sans agressivité Ex : le renard est entré dans le territoire du chat qui, étant plus petit, n’insiste pas. L’ours se laisse tomber dans la poussette ; le renard laisse prestement sa place pour ne pas être écrasé. D’autres créent un volume sonore ou/et augmentent leur volume corporel, déploient toute une stratégie d’intimidation pour s’imposer : le canard cancane à tue tête, agite les ailes, le chat hérisse ses poils…

Toutes ces rencontres soudaines et rapides, se juxtaposent – les dernières faisant oublier les premières – à la manière des interactions qui se mettent en place entre les jeunes enfants. Ces rencontres se font autour d’un objet convoité et qui est d’autant plus intéressant qu’il se trouve dans les mains d’un autre, et donc par conséquent animé. La base des relations sociales se construit souvent en crèche autour d’objet que l’enfant va accepter ou non de partager, pour découvrir ensuite le plaisir de jouer à plusieurs.

Dans toute la première partie de l’histoire, le comportement du héros s’apparente à celui de l’adulte qui accompagne les enfants dans leurs relations sociales (ou comme un enfant plus grand qui aurait compris le fonctionnement du groupe basé sur le respect). Il est rassurant, sait poser les limites : « ne bouge plus, je t’emmène en promenade », « Tant pis ! à chacun son tour »… Après son endormissement, les rôles s’inversent : le héros redevient le bébé qui a besoin d’aide et de sécurité affective

La solidarité qui se manifeste à la fin de l’histoire trouve son fondement dans la reconnaissance. Chaque animal se rappelle que le héros lui a prêté sa poussette. Ils se retrouvent, oublient qu’ils se sont mutuellement craints ou intimidés et aident le bébé qui en a besoin et le conduisent à sa maman.
Le quotidien de la crèche fourmille de ces menus événements. Un geste d’offrande peut détourner le chagrin du moment : lorsqu’un enfant pleure, un second lui apporte son doudou. L’enfant est aussi capable d’attirer l’attention de l’adulte sur la détresse d’un de ses camarades. C’est tout naturellement qu’ils se préviennent mutuellement de l’arrivée de leur maman.

Objets, moments, ressentis importants pour l’enfant : l’univers de l’enfance

La poussette rythme le conte. Elle est le point de repère sécurisant. C’est autour d’elle que s’organise toute l’histoire. Dans la vie, elle accompagne le jeune enfant dans ses déplacements. Elle permet de se laisser bercer, puis peut être soutien à l’acquisition de la marche, donc à l’acquisition de l’autonomie. Ensuite, quel plaisir de pouvoir s’y réfugier et de s’y laisser promener. Elle peut être aussi considérée comme un lien avec Papa et / ou Maman. Elle prend donc une part importante dans la sécurité affective de l’enfant.

Le biberon est présent pratiquement tout au long de l’histoire : il est à mi-chemin entre l’objet transitionnel (sécurisation, aide à la séparation) et le repas (besoin vital de se nourrir et moment de contact affectif et sécurisant). Le héros en fait même un objet relationnel, puisqu’il l’offre en partage au petit chat.

La couche est à la fois un des symboles de la petite enfance (dépendance de l’adulte, soins répondant au besoin d’hygiène) et, une fois devenue inutile, symbole d’autonomie.

La maladresse, les petites douleurs : lorsque l’ours casse le biberon et se blesse, le héros prête attention à l’incident, mais sans insister inconsidérément afin de ne pas dramatiser la situation. «Gros maladroit, je n’ai plus de lait maintenant», «Aïe, aïe, aïe, j’ai mal aux fesses, BÉBÉ ! » … et détourne l’attention de l’ours pour qu’il oublie sa douleur « Bon juste un petit tour… »

Le moment de fatigue, le sommeil, le rêve : après tant d’expériences et d’efforts, le héros est fatigué. Comme pour chaque enfant, le sommeil est nécessaire et réparateur. Le réveil peut parfois être difficile et nécessiter un accompagnement affectif de l’adulte, destiné à rassurer. A partir du réveil, ce sont les copains qui prennent le rôle de l’adulte sécurisant. L’histoire est bâtie sur le rêve.

Rêve et sommeil sont nécessaires à l’enfant pour intégrer tout ce qu’il a appris et découvert tout au long de sa journée.

La peur et le besoin d’être consolé (besoin de sécurité affective).
La peur est présente tout au long de l’histoire. Elle n’est pas angoissante, puisque le héros est là pour réguler dédramatiser cette peur : « regardez ce gros canard qui a peur d’un petit chat ! », « Arrêtez de vous faire peur, vous me fatiguez à la fin ! »…Lorsque à son tour, à son réveil, il éprouve de la peur, il se retrouve seul parterre dans la forêt. C’est au tour de ses amis d’apporter le réconfort et de le ramener prés de sa Maman. L’enfant a besoin de jouer avec sa peur pour pouvoir la dépasser et prendre confiance en lui-même.

Pousse-Poussette, un titre, un nom qui inspire l’autonomie
Le héros ne pousse-t-il pas sa poussette lui-même ? Maman / Papa est là pour l’aider à grandir, mais ses amis aussi… l’autonomie… un des objectifs principaux que nous nous fixons pour aider les enfants à passer du cocon familial à la vie en société.